Le château vieux (1)

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Centre Ancien

Ruelle du château vieux
Une vue de la ruelle du château vieux

La présence d’un château à cet emplacement est attestée par le nom de la rue en escalier qui gravit le tertre, « rue du château vieux », et ses innombrables mentions dans les documents anciens. La butte qu’escaladent ces escaliers suggère une motte féodale, une levée de terre artificielle sur laquelle se dressait le premier château. La terre nécessaire parait issue du surcreusement des fossés en particulier au nord, ce qui explique le fort surplomb de la rue de Lespignan par rapport à la rue du Marché.

Le phénomène de construction de châteaux, concomitant de l’émergence de la féodalité, ne se développe que très lentement, entre le Xe et le XIIe siècle. Contrairement à une idée très répandue, l’organisation féodale, dans laquelle un seigneur reçoit d’un suzerain à qui il rend hommage et dont il se déclare le vassal, un château qui contrôle un territoire, ne se met en place que tardivement, vers le XIe-XIIe siècle.

Auparavant, et depuis l’époque romaine, l’habitat est dispersé et ouvert. L’alleu, possession de la terre en pleine propriété, ou la censive, possession moyennant un loyer, sont les formes de possession les plus répandues. Il est probable que la concentration des alleux entre les mains de quelques tenanciers riches a initié le mouvement de fortification de leurs possessions.

En biterrois-narbonnais, cette région confinée entre la limite actuelle du département de l’Aude et le cours de l’Orb où se trouve Nissan, seules deux tours de villae sont attestées au Xe siècle, à Creissan et à Vendres (Esclatian). Ce ne sont pas encore des châteaux, tout juste des fortifications primitives.

De façon générale, en biterrois, les castra se développent tout d’abord dans le centre Est et le Nord de la vicomté, timidement au IXe siècle et plus franchement au Xe siècle. Le biterrois-narbonnais ne voit pas apparaître de castra avant le XIe siècle. La plupart ne sont attestées que vers la fin du XIIe siècle.

La date de la construction du château de Nissan nous est inconnue. Il est cité pour la première fois lors de la donation de l’église Saint Saturnin au monastère de Psalmodi en 1099. A peu près à la même époque, au tournant du XIe siècle (vers 1095-1100), la vicomtesse de Carcassonne, Ermengarde arbitre un conflit entre Imbert de Montady et Bernard de Nissan. Il ne fait pas de doute, alors qu’Imbert de Montady est explicitement désigné comme co-seigneur de Montady, que Bernard de Nissan est bien seigneur de Nissan. Tous deux sont vassaux de la vicomtesse Ermengarde, épouse de Raimond Bernard Trencavel.

On notera qu’Imbert de Montady semble partager le château de Montady avec d’autres tenanciers, des « pariers », qui y possèdent des droits, situation résultant d’héritages et de transferts de biens qui supposent donc une certaine ancienneté du castrum.

Nous ne disposons d’aucun document permettant de comprendre quand le castrum de Nissan a été construit et comment il s’est retrouvé sous la dépendance temporelle des vicomtes Trencavel. Toutefois, peu de temps après l’élection de Richard de Millau à l’archevêché de Narbonne (1106), un conflit s’élève entre Richard et Bernard Aton IV Trencavel, fils d’Ermengarde, vicomte de Carcassonne, son parent, à propos de divers lieux dont Capestang, que Bernard Aton voudrait se voir attribuer en fief par l’archevêque de Narbonne.

Ces lieux semblent avoir fait partie d’un accord antérieur consenti au grand père de Bernard Aton, Pierre Raimond, père d’Ermengarde, par l’archevêque Guifred de Cerdagne. A l’issue de plusieurs plaids, Bernard Aton obtiendra les fiefs acquis antérieurement, sauf Capestang. Bien que ces possessions ne soient pas nommées, il est tentant de penser que Nissan en faisait partie.

Mariage d'Ermengarde Trencavel avec Gausfred III de Roussillon
Mariage d’Ermengarde Trencavel avec Gausfred III de Roussillon

Du point de vue des liens de vassalité, Nissan, dès la fin du XIe siècle et durant le XIIe siècle, est donc dans la mouvance temporelle des vicomtes de Carcassonne. Bernard Aton IV et son épouse, Cécile, peuvent alors concéder à leur fille, Ermengarde, lors de son mariage avec Gausfred de Roussillon en 1110, les fiefs que Raymond Basilis de Nissan, Pierre Raimond de Colombiers et Imbert de Montady et ses pariers tiennent d’eux, ainsi que d’autres biens à Pieusse, Abeilhan et Mèze.

Les seigneurs de Nissan vont dès lors apparaître dans les textes à plusieurs reprises durant le XIIe siècle. Tout de suite après 1154, ils participeront à la dotation de la nouvelle abbaye de Fontcaude. Un conflit mal compris, sanctionné par le pape, s’élèvera entre Bérenger de Nissan et les moines de Foncaude (en 1166) avant que le même Bérenger ne fasse profession de foi puis élection de sépulture dans cette même abbaye, en 1178. A l’occasion de cette profession de foi, ses frères, Bernard et Pierre, font des donations à l’abbaye.

L'abbaye Sainte Marie de Fontcaude
L’abbaye Sainte Marie de Fontcaude

Le dernier seigneur de Nissan, prénommé Bernard comme bon nombre de ses prédécesseurs, mourra à l’issue du siège de Minerve (1210) après avoir abandonné, en juillet 1209, son château, difficile à défendre en face de l’armée des croisés et de Simon de Montfort.

Nous ne perdons toutefois pas complètement la trace de cette lignée, puisqu’en 1257, lors des enquêtes de Saint Louis, la fille de Bernard de Nissan, Azalaïs, épouse de Raymond de Canté, un seigneur ariégeois, tentera de récupérer les biens de son père.

Nous allons gravir cette ruelle du château vieux et ses escaliers en imaginant les vicissitudes de cette construction. L’îlot de maisons de part et d’autre de cette ruelle matérialise l’emplacement du château de façon assez précise. On suit facilement le parcours des murailles qui le ceinturaient sur le plan du village. Nous ignorons cependant tout de l’aspect de ces murailles. Par similitude avec des communes voisines qui ont gardé quelques vestiges de leurs remparts (Lespignan, Puisserguier), nous pouvons les imaginer crénelés.

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